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Auteurs : Benoit Taix, Bastien Poupat, Adrien Verrecchia

Edition : Autoédition

Date de sortie : Novembre 2018

Prix : 19,99€

 530 pages

Dispo sur www.lagrinta.fr

Le projet de ce livre fait écho à un documentaire que j’ai vu (peut-être top même) il y a plusieurs années : « Putain d’hooligans ». Un très bon doc passé sur Arte où l’un des intervenants réalise un tour d’Angleterre pour écrire une encyclopédie du hooliganisme anglais « de A à Z, des Aberdeen Soccer Casuals à la Zulu Army de Birmingham ». Cette phrase est restée dans ma tête durant toutes ces années, aucune idée pourquoi. Enfin si. Sans forcément être attiré par le monde du hooliganisme, je trouvais ce projet de recensement génial, car il permettait de garder une trace et de ne pas oublier. Au fond de moi, l’idée de transposer la même chose aux ultras en France me faisait briller les yeux. Ce projet, Adrien et ses compères l’ont réalisé. Un travail de titan qui donne le très très bon « Ultras, mode de vie », un « must have » pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire du mouvement ultras français. 20 villes et 530 pages d’anecdotes, d’histoires, racontées par les leaders de chaque groupe.

 

J’ai rencontré Adrien à Sochaux lors de la journée culture organisée par la Tribune Nord où j’intervenais en sa compagnie et celle de Nicolas Hourcade, qui a signé la préface du livre. Je présentais mon projet de recensement des zines et Adrien son bouquin. Il a accepté, sans hésiter, de nous raconter l’histoire de ce fabuleux projet et de nous en dire plus sur son tour de France, de la naissance du mouvement ultras à Marseille, à la disparition des groupes parisiens...

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ULTRA Mode de vie

En préambule et afin de faire les présentations, tu peux nous décrire ton parcours et comment tu t'es intéressé au supporterisme ?

Je suis d’origine italienne et j’ai une grande partie de ma famille qui est venue s’installer à Toulon (désolé !), à même pas 100 mètres du stade. Mon père est donc un grand passionné du Sporting Toulon et même si de mon côté j’ai toujours vécu en Seine-Saint-Denis, il a réussi à me transmettre sa passion. C’était pas gagné vu les résultats (rire) et la distance. On revenait à Toulon assez souvent en vacances, avec un chaque fois un crochet par le stade. Idem quand le Sporting jouait en région parisienne ou à Beauvais. J’ai eu la chance de connaître de l’extérieur la meilleure période des Irréductibles (IRD), en National il y a 13 ans. Sur le terrain le spectacle n’était pas génial mais en tribunes tu avais 5000 personnes à l’époque pour du National…  C’est plus qu’honorable. Puis c’était les débuts de YouTube, le capo des IRD mettait en ligne les vidéos de cortèges, de parcages. J’ai été marqué par ça, j’étais adolescent. Je n’étais pas proche du groupe mais j’aurais vraiment aimé en faire partie ! Derrière, j’ai entamé très vite des études de journalisme. Je suis devenu journaliste indépendant, et donc écrire/enquêter sur les tribunes c’est mon métier aujourd’hui quand on me sollicite sur le sujet à So Foot ou ailleurs.

 

Avant de parler du bouquin, il y a d'abord un site, La Grinta et plusieurs personnes. Tu peux nous raconter le départ de cette histoire ?

La Grinta, à la base c’était un moyen pour moi d’écrire régulièrement sur le foot. On était en septembre 2010, je faisais des études de comptabilité à Saint-Denis qui ne me plaisaient pas du tout. Alors pendant les cours, j’étais au fond de la classe à côté d’un radiateur et j’écrivais des articles… Je m'inspirais des sites que je lisais, et puis je propose autour de moi à des amis d’écrire. Puis à des gens que je connaissais moins, mais avec qui j’échangeais sur le foot italien ou argentin, les tribunes etc.  Ça me paraissait une super idée de les faire écrire avec les connaissances qu’ils avaient. On se retrouve avec un noyau dur de types branchés par les tribunes, dont Bastien et Benoit qui ont écrit le livre avec moi. En septembre, ça fera donc 10 ans que le site existe. Pour être honnête, ce sera peut-être le bon moment d’arrêter car on a tous vieilli et on a tous d’autres préoccupations.

Pour rester sur La Grinta, vous êtes surtout connu pour votre Top 10 des tifos mondiaux du week-end où vous prenez le temps d'expliquer chacun d'un tifo sélectionné. Un gros travail non ?

C’est effectivement la 8e saison du Top 10. C’est un concept qu’on a repris de So Foot, ils l’ont arrêté car c’était justement difficile à tenir sur la durée. Donc est assez fier de faire ça chaque semaine bénévolement. Les gens ne se rendent pas compte mais oui, ça demande beaucoup de boulot. On a Thomas Boraca chez nous, qui chaque épluche toutes les sources possibles pour trouver des images dans tous les pays. Cela arrive qu’on passe à côté d’un gros tifo, car certains à l’étranger émergent plusieurs jours plus tard, mais en général on se débrouille assez bien pour qu’il n’y ait pas de gros oublis. Puis ça prend facilement 4 heures pour comprendre et traduire les tifos dans toutes les langues. Mais c’est ce qui fait tout l’intérêt de la rubrique, dans le fond le classement en lui-même on s’en fout ! Les gens ont déjà vu passer les plus beaux tifos sur les réseaux sociaux, par contre ils n’ont pas forcément compris son sens.

C’est vrai qu’on est surtout connu pour le Top 10, car on sort un peu moins de papiers sur les tribunes qu’avant. On commence aussi à se faire connaître pour la tactique, les articles sur le jeu. On est de plus en plus suivi par des éducateurs diplômés ou des responsables de centre de formation, ça prouve qu’on sait faire aussi autre chose. Même si le Top 10, c’est un rendez-vous hebdomadaire et c’est ce que les gens retiennent.

C’est la Curva Nord qui retient plus particulièrement l’attention avec ce somptueux tifo à feuilles représentant la très célèbre oeuvre de Michel-Ange ornant le plafond de la chapelle Sixtine, monument majeure de Rome. Cette ville sur laquelle les supporters de la Lazio prétendent également régner, trop souvent relégués au rang de supporters provenant de la région de Rome (« Lazio » étant le nom de la région, le Latium) par les supporters de la Roma qui ne cesse de demander ironiquement quelle ville elle représente. C’est ce qui est revendiqué dans le message de la banderole : « La Lazio ne provient pas de [quelque part]… La Lazio est ». 

[Exemple de  tifo expliqué que l’on retrouve sur le site]

Et donc Ultra Mode de Vie, un tour des groupes ultras de France qui vous racontent leur histoire. Comment est-ce que l'idée vous vient de vous lancer dans ce projet fou ?

On y pensait depuis un moment. On voulait le sortir pour les 5 ans de La Grinta (2015), puis pour l’Euro 2016… On pensait vraiment que ça allait être une date charnière pour le mouvement ultra, voire peut-être même la date de sa mort. Bon, ça paraît un peu ridicule aujourd’hui (rire) ! J’avais fait une interview de Sylvain, le capo de la Butte Paillade sur le site. Il disait : “être ultra c’est un mode de vie”. C’est à ce moment-là que ça a fait tilt. Le titre du livre était déjà trouvé ! Moi j’avais déjà en tête d’écrire sur l’histoire du mouvement à Toulon car ça ne s’était jamais fait, ils avaient essayé de le faire eux-mêmes pour un anniversaire mais ça ne s’était pas concrétisé. On a évité de le dire trop fort mais Philippe Broussard et son Génération Supporter nous a beaucoup inspiré. On voulait faire pareil mais avec toute l’histoire (ou presque) du mouvement ultra français. Seulement on n’a pas sa plume, et même quand les gens disaient “ça va être un Génération Supporter 2” on essayait de botter un peu en touche car on avait peur de décevoir. On n’était même pas sûr d’arriver à avoir l’accord des groupes !

 

Derrière, il vous faut des contacts un peu partout et gérer un calendrier pour rencontrer tout le monde. Niveau planning, entre l'idée et la réalisation, ça a duré combien de temps ?

Ca a été une grosse galère (rire). J’ai contacté le sociologue Nicolas Hourcade pour la préface en février 2014. Le bouquin est sorti en novembre 2018. On a mis presque 5 ans…  Ça aurait pu être plus rapide, notamment si on était passé par une maison d’édition car le côté indépendant de A à Z nous a aussi coûté du temps (et de l’argent).

On a été long sur la partie écriture, puis réalisation, mais effectivement les contacts avec les groupes c’était quelque chose ! Nous, économiquement il fallait qu’on essaye de caler les groupes en même temps par zone géographique histoire de regrouper par exemple Metz et Strasbourg dans le même week-end. Donc tu es dépendant du calendrier de L1, du tiens, de celui du groupe… Et pour peu qu’il y ait un imprévu, tout était chamboulé !

 

Ça n'a pas été trop dur de faire accepter l'idée aux différents groupes ?

 Moins compliqué que ce que je pensais en tout cas, dans la majorité des cas. Les villes où le mouvement ultra ne va pas bien étaient plutôt contentes qu’on s’intéresse à leur histoire en général. Ce qu’on faisait sur La Grinta nous a bien aidé aussi ! Déjà, ça nous a souvent permis d’avoir déjà les contacts. Après l’interview de Sylvain, c’était facile par exemple de le convaincre de participer au livre car il a vu qu’on était réglo. Bien sûr, il y a des groupes qui ont refusé à Lyon ou Marseille, mais sinon dans l’ensemble ça n’a pas été trop compliqué. On s’attendait à ce que ce soit beaucoup plus dur à Paris, par exemple vu le passif entre Auteuil et Boulogne. Au final, il n’y a qu’à Saint-Etienne où on a été obligé de revenir une deuxième fois. Ils voulaient une première rencontre pour savoir qui on était. On avait déjà eu des contacts avec les Green, mais jamais avec les Magic.

 

20 clubs/groupes, t'as forcément des anecdotes. Si on commence par la bonne surprise que t'as eue ? Celui où la rencontre s'est mieux passée que ce que tu espérais ?

Je dirais Marseille ! Les fondateurs du Commando Ultra seulement, je ne parle pas des autres hein ! On était un toulonnais, un bordelais, et un parisien, le casting promettait et on a assisté à un match en Virage Sud…

Je dois reconnaître que j’étais pas serein car si les mauvaises personnes étaient averties, on allait passer un sale moment. Surtout que certains vieux, qui ont bien connu la rivalité avec Toulon qui reste leur préférée, venaient me chambrer gentiment  en disant “ça va le Toulonnais ?”. J’avais envie de dire : “moins fort !” (rire). Ils ont pourtant été extraordinaires avec nous, c’est une autre mentalité que la génération d’aujourd’hui… ça me fait d’ailleurs un peu de la peine pour eux de les voir isolés dans un coin du virage, alors que l’histoire du mouvement à Marseille ce sont ces personnes-là !

 

A l'inverse, ceux où ça a été un peu compliqué ?

Il y a un endroit où on a été un peu chahuté, c’est chez vos amis lillois. Ça n’en n’est pas venu aux mains, mais pas loin à un moment avec deux jeunes de chez eux. On ne l’a pas trop mis en avant dans le livre car ça ne reflétait pas l’accueil des leaders, même de ceux de la LOSC Army. Donat’, l’un des capos, nous a pas quitté des yeux depuis son perchoir pendant le match justement pour voir si on nous emmerdait. Les deux jeunes en question n’étaient pas très frais je crois, l’un d’eux s’est excusé après le match après s’être bien fait engueuler.

 

T'as deux trois autres anecdotes à nous donner ?

Il y a Benoit chez nous qui aime bien la sape, se “looker”. On fait notre tout premier déplacement pour le livre à Saint-Etienne. On va en Kop Nord. Il se fait repérer. C’était à la période du sommet de tension avec les Lyonnais au moment du vol de bâche des Magic. Ils l’ont pris pour un Lyonnais infiltré. À la fin du match, on se fait rattraper dans la rue par des leaders des Magic ! Ils lui demandent d’où il vient de manière pas très amicale. Heureusement, on avait rendez-vous avec eux juste après le match. En tout cas, ça a servi de leçon à Benoit pour tous les autres déplacements (rire). On avait aussi vu les Nîmois débarquer à 15 pour nous accueillir car eux aussi c’est chaud avec Montpellier et ils ne savaient pas à quoi s’attendre. 

 

J'aurai du mal à comprendre pourquoi mais est ce que certain groupe était mécontent de ce qui est paru ? Ou vous ont fait des retours négatifs ?

Je crois savoir que les gars de Monaco dans leur ensemble n’ont pas trop aimé leur chapitre. Ils trouvaient qu’on était un peu dans le cliché. Moi je n’y étais pas, j’étais à Marseille ce jour-là car on a dû se diviser pour couvrir toute la Côte efficacement.

Si on s'intéresse à la partie sur Nice, tu as rencontré Fred et Biba côté Sud. Qu’est-ce que tu retiens de cette rencontre ?

 Je les ai trouvé très ouverts. Ils ont été hyper sympas, pourtant ils savaient que j’étais toulonnais… Surtout qu’à cette époque, Fred avait encore le “Café populaire” où il nous avait bien reçu. C’est pas évident pour un restaurateur d’accorder du temps, donc c’était d’autant plus sympa de sa part. En plus, pour ce qui concerne Biba on lui  avait posé plein de questions sensibles : son IDS, la dissolution de la BSN, la boutique, les histoires avec les Bastiais… Il avait répondu sur tout sans langue de bois ! J’ai compris ce jour-là que dans le fond, on n’est pas si différent. On ne supporte simplement pas la même équipe. Et dans beaucoup de villes rivales entre elles, j’ai constaté plus de points communs que de différences entre les membres de groupes

 

Vous l'avez fait en auto-édition, un gros pari mais qui a bien fonctionné. Vous en êtes à combien d'exemplaires ?

On en est à un peu plus de 2500 exemplaires vendus en un an.  C’est pas énorme par rapport à la moyenne nationale (autour de 5000 exemplaires vendus par livre) mais pour de l’auto-édition c’est assez exceptionnel d’atteindre autant de gens. C’était effectivement un gros pari, cela signifie qu’on a tout financé et tout géré nous-mêmes de A à Z. On a d’ailleurs failli abandonner le projet en cours de route plusieurs fois. J’imagine que les problématiques sont assez similaires à celles que vous rencontrez en éditant un fanzine indépendant.

 

On s'est rencontré récemment à Sochaux lors de la journée Culture organisée par la TNS Sochaux, où Nicolas Hourcade était aussi présent. Nicolas a "positivé" l'état du supporterisme en France alors qu'on a plutôt tendance à tout voir de façon négative. Vaste question, mais tu vois comment l'avenir des supporters en France ?

Il faut bien reconnaître que si tout n’est pas parfait, il y a eu des avancées. Parfois même étonnantes, lorsque par exemple il y a cette annonce officielle des autorités  de vouloir limiter le nombre d’arrêtés d'interdiction de déplacements. Je vois l’avenir finalement plus ou moins comme aujourd’hui : avec des décisions parfois contradictoires. Le jeudi les Lyonnais peuvent se rendre à Nice en Coupe de France, et le dimanche en Ligue 1 ils sont interdits. Donc pour moi ce ne sera ni tout noir, ni tout blanc. Ce sera gris.

La suite pour toi, tu as d'autres projets sur le monde du foot ou des supporters ?

J’y ai beaucoup réfléchi, et j’admets ne pas avoir encore vraiment la réponse.  Bastien était très motivé à l’idée d’un “Ultra mode de vie 2” avec les nombreuses villes qu’on n’a pas mentionné dans le livre (Rennes, Lorient, Nancy etc.). Mais ça a été tellement dur de boucler Ultra mode de vie que je n’avais pas envie de me remettre dans une autre galère ! J’avais par contre un autre vieux projet  que j’aurais aimé voir aboutir, c’est de faire plus ou moins la même chose avec l’Italie. Mais le mouvement est tellement vaste là-bas que c’est impossible avec le même concept ! Tu peux faire un livre entier par ville ! Et puis je n’ai pas envie d’écarter des clubs de Serie C ou D qui ont des histoires respectables . Mais si un jour j’arrive à résoudre ce “problème”, que j’ai des retours positifs de groupes là-bas, pourquoi pas ?

 

En tout cas, félicitations pour votre travail. Honnêtement, ça me semblait complètement nécessaire d'avoir un tel ouvrage pour le mouvement et c'est génial d'avoir réussi à le sortir. C'est mon combat mais le papier reste le meilleur moyen de conserver ces souvenirs et les transmettre. Ça fait vieux combattant ou tu partages l'idée ?

Merci ! Je valide, même si on a réalisé que le livre en format papier et qu’on est en format web depuis  10 ans avec La Grinta. Ceux qui pensent le papier a fait son temps se trompent à mon avis. SI le contenu est bon, les gens l’achèteront. Et le garderont surtout, tandis qu’un article sur Internet se noie dans la masse du web au fil du temps. Pour peu que le site n’existe plus pour diverses raisons, c’est perdu pour toujours...

 

Merci encore pour ton temps et pour ta contribution à la culture supporter française. On te souhaite plein de réussite dans tes futurs projets

Merci à toi, longue vie à QVLD et plus globalement à 1jour1zine !

Si vous souhaitez commander le livre : www.lagrinta.fr

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